Ce jour-là malheureusement le soleil n’est pas de la partie. Je commence même à me dire que j’y ai ramené la pluie à laquelle nous sommes si bien habitués « là-haut ». J’entrevois l’entrée du domaine mais encore aucun château à l’horizon. Il faut alors emprunter un petit chemin, monter sa légère côte, et là alors se tient devant vous une magnifique propriété.
Une histoire singulière
Tout commença en 1702 grâce à Elie De Betoulaud. C’est un homme aux multiples facettes, avocat, poète, courtisan, mécène, collectionneur de curiosité mais aussi et surtout très grand admirateur du Roi de France de l’époque, Louis XIV. Il décida donc de fonder un château en l’honneur du roi soleil. Un peu exubérant pour l’époque, mais finalement n’agissait-il pas comme le souverain savait le faire ?
Il érigeât ce château sur un point culminant, plus exactement à 100m du niveau de la mer. De là, la propriété jouit d’une vue imprenable sur le vignoble de Saint-Emilion. Par beau temps il est même possible d’avoir vue sur la vallée de la Dordogne. Malheureusement ce jour-là les nuages et la pluie ont grandement contribués à ne rien entrevoir au-delà de 100m à l’horizon.
L’histoire de ce château arriva aux oreilles de Louis XIV. Comme pour remercier Elie De Betoulaud, il le convia alors à Versailles afin de faire sa rencontre. C’est ici que l’histoire de ce château bascula pour la première fois, en 1709. Sur le chemin pour Versailles, notre exubérant mécène fut pris d’une crise cardiaque dans sa calèche. Il n’eut malheureusement donc jamais la chance de rencontrer celui qu’il admirait tant.
Le château fut alors légué à ses descendants, et n’ayant pas d’enfants, ce sont ses arrière-neveux qui en héritèrent. Et ce n’est qu’en 1978, soit 269 années après, que le château sera racheté pour le non moins célèbre Baron de Bich. Marcel Bich est un riche industriel qui est notamment réputé pour sa société homonyme. Alors heureux propriétaire d’actions dans une célèbre marque d’eau pétillante, il décida de les revendre en totalité pour acquérir un château qu’il visita quelques jours plus tôt.
Il est, désormais, aux commandes du Château De Ferrand. Il déclarera par ailleurs qu’il a réussi à « changer de l’eau en vin ». A son décès en 1994, sa famille hérita logiquement de la propriété. Aujourd’hui c’est sa fille Pauline qui est aux commandes en compagnie de son mari Philippe Chandon-Moët. Le graal fut obtenu en 2012, lors de l’intégration du classement des vins de Saint-Emilion. Une belle promotion après tant d’efforts fournis.
Une situation géographique idéale
Le domaine du Château De Ferrand fait une superficie de 42ha, dont 32ha sont dédiés à la vigne, d’un seul tenant. Les 10ha restant sont constitués de bois et de près.
Il suffit de se rendre sur place pour comprendre à quel point le château De Ferrand jouit d’une situation géographique particulière. Comme évoqué précédemment, le château est établi à 100m d’altitude par rapport au niveau de la mer. Fait rare et singulier au vu du relief Saint-Emilionnais.
Le fait d’être sur un tel promontoire n’est pas anodin. Les bien faits pour la vigne sont énormes. A commencer par l’exposition aux vents, qui permet une ventilation optimale pour les parcelles.
L’altitude, permet également de conserver une certaine fraicheur. Lors de journées chaudes, les parcelles les plus élevées sont légèrement moins impactées par les fortes températures, ce qui permet de garder une petite fraicheur indispensable dans le cycle végétatif. Enfin, qui dit altitude dit pente, ce qui a un effet favorable à l’évacuation des eaux lors des fortes pluies. On peut parler de drainage naturel. En effet il faut un juste équilibre entre soleil et eau.
Vous l’aurez donc compris, les vignes du domaine ont une exposition idéale.
L’encépagement est constitué de 70% de Merlot, 29% de Cabernet-Franc et 1% de Cabernet-Sauvignon. Ici, comme sur le reste de la rive droite d’ailleurs, le Merlot est roi.
Le sol n’est pas en reste non plus avec une diversité extraordinaire. Situé sur un plateau argilo-calcaire, il y a 4 types de sols différents. Un premier sol brun calcaire argilo-sableux avec rochers, un second sol brun calcique argilo-sableux avec roche, un troisième sol brun calcique sur marne compactes, et enfin un dernier sol brun argilo-sableux à argile sableuse. Très technique au premier abord, cela permet au château de faire une culture parcellaire, et donc tirer le meilleur de chaque pied, afin de produire des vins à la fois précis et d’une grande finesse. La culture y est effectuée de manière à respecter le plus possible la nature.
Il ne faut pas oublier que le vin est avant tout un don de la nature façonné par l’Homme.
Une culture de la vigne rigoureuse
Les femmes et hommes du Château De Ferrand travaillent en harmonie avec la vigne et l’écosystème qui la compose.
Ici, la culture est d’ailleurs certifiée Haute Valeur Environnementale de niveau (HVE3) depuis 2018, mais aussi Terra Vitis depuis 2012.
A noter que le château est officiellement en conversion biologique depuis 2021.
Une culture repensée il y a de nombreuses années déjà. Pour cela, plusieurs procédés sont utilisés. Petit tour d’horizon des techniques mises en place.
Dans un premier temps il y a une maitrise de l’enherbement inter-rang, usage de couverts végétaux en engrais verts, avec l’utilisation d’engrais organiques. Il y a une proscription des insecticides depuis 2011, les petites chauves-souris du domaine n’y sont pas pour rien. Ce sont elles qui mangent les petits insectes néfastes à la vigne. Les herbicides ne sont également plus utilisés. Moins on apporte de produits chimiques à la vigne, moins elle est stressée.
Il faut repenser la culture pour permettre à la vigne un développement des plus sains et serein.
Tout au long du cycle végétatif la vigne est contrôlée, de manière à s’assurer de son parfait développement.
Lorsque le temps est venu de penser à vendanger, chaque parcelle est dégustée et analysée afin de ne prélever les grappes qu’à parfaite maturation. D’où l’importance de la maitrise parfaite de son terroir et de ses vignes.
Les vendanges sont effectuées en trois étapes bien distinctes. Une première qui consiste à un tri manuel au sein de la vigne. La seconde consiste également à un tri manuel à l’arrivée de la vigne. Enfin, avant d’être encuvée pour sa vinification, un tri optique est effectué. Tout cela permet d’être sûr que chaque raisin qui entre dans la cuve de vinification soit à maturité optimale.
Le travail au chai
Chaque parcelle possède sa propre cuve, pour la majorité, en béton. Tout au long de la vinification les différentes cuves sont dégustées afin d’établir le moment le plus propice à la mise en barrique.
L’élevage se fait en fûts de chêne à la fois neufs et de plusieurs vins, pour une durée de 14 à 18 mois. Quelques amphores ont été reçues et vont être utilisées lors des futurs millésimes. Enfin survient la mise en bouteille puis la commercialisation.
Ici, reposent les millésimes 2018, 2019 et 2020. En effet, le château conserve dans son chai chaque millésime pendant 4 ans avant la commercialisation dans sa boutique (visite en octobre 2022, le millésime 2018 est depuis mis en vente). De cette manière, les vins qui seront vendus auront subit un léger vieillissement dans des conditions optimales.
Pour terminer cette superbe visite, une très belle verticale des millésimes 2017, 2015, et 2012 (en magnum). Vous pourrez retrouver les commentaires de dégustation dans la Tasting Zone.