Château-école depuis plus de 100 ans, le château la Tour Blanche est une propriété incontournable mais également un élément moteur dans la renaissance de cette belle appellation.
Histoire
Lorsque l’on souhaite parler de l’histoire d’une propriété, la première question à se poser est : Par où commencer ?
Depuis tout temps, le terroir sauternais regorge de pépites. Le château La Tour Blanche ne déroge pas à la règle. Au fil du temps, les différents propriétaires passent et laissent leur empreinte à l’indélébile.
Tout commença donc au milieu du XVIIème siècle, lorsque Monsieur de Saint-Marc, dit le Marquis de la Tour Blanche, fit acquisition des terres et de la belle chartreuse construite dessus. Greffier à la Cour du Parlement de Bordeaux, ses largesses financières vont lui permettre d’investir dans la propriété, mais surtout de la développer. Par la même occasion, il renommera le château en « La Tour Blanche », et y fera construire une tour blanche afin d’illustrer le tout.
Le second propriétaire qui va marquer la destinée du château n’est autre que Frederick Focke. Cet allemand, convaincu des bienfaits des vendanges tardives et des multiples tries, va développer et faire généraliser cette technique, en compagnie des châteaux qui l’utilisent déjà (Yquem, Suduiraut, etc.), sur l’ensemble de l’appellation. Précurseur, il va marquer l’histoire des vins liquoreux bordelais.
En 1855, lors de l’établissement du classement des vins du Médoc demandé par Napoléon III, le sauternais aura la chance d’y prendre part, preuve de la grandeur de ce terroir et de ses vins. Anecdotiquement, le château La Tour Blanche sera sélectionné premier, au sein des premiers crus classés. Malheureusement, Frederick Focke décédera cette même année.
C’est en 1876 que Daniel Iffla, dit Osiris, va entrer en scène et faire acquisition du château. Il va marquer la propriété de son empreinte à jamais.
Véritable philanthrope, c’est l’un des grands mécènes de l’époque. Malheureusement veuf de sa femme Léonie depuis 1855, à l’âge de 30 ans, il ne se remariera jamais. Amoureux inconditionnel de l’élégance et du raffinement à la française, il va faire du château son étendard et viendra, d’ailleurs, s’y installer à chaque période de vendanges. N’ayant nulle descendance, à son décès en 1907, il léguera le château à l’État français, en souhaitant qu’une école y soit créée. Son souhait sera alors exaucé puisqu’en 1911, la première promotion d’élèves y fera sa rentrée. Depuis, chaque année scolaire voit l’arrivée de nombreux jeunes élèves venant fouler les pavés et le terroir sauternais en quête d’apprentissage.
L’œnologue bordelais Michel Rolland en sera, sûrement, l’élève le plus réputé.
Aujourd’hui, la propriété est dirigée par Miguel Aguirre. Arrivé en 2016 du Lycée Agricole d’Orange et son château Mongin (AOC Châteauneuf-du-Pape), il va amener toute son expérience et son énergie pour mener à bien la renaissance des vins de Sauternes.
Un terroir merveilleux avec une culture tournée vers l’environnement
Si le terroir de l’appellation n’est plus à présenter (cf publication précédente), celui de la Tour Blanche, à l’image de ses voisins, est exceptionnel.
Composé de graves à sous-sol argilo-calcaire et sableux, le vignoble est implanté sur une croupe, dont le point le plus haut culmine à 60 mètres d’altitude. Une telle exposition n’est pas anodine, puisqu’elle permet d’avoir un drainage idéal, mais également une parfaite exposition aux vents tout au long de l’année.
Lorsque la brume sauternaise s’installe dès l’aube, les vents viennent la dissiper, et la chaleur vient s’installer. Le Botrytis Cinerea va alors avoir les conditions idéales pour se développer, mais ça, c’est lorsque tout va bien dans le meilleur des mondes.
Les 3 cépages iconiques y sont cultivés : 83% de sémillon, 12% de sauvignon et 5% de muscadelle.
Les équipes techniques du château prennent un des plus grands soins de leur terroir, en utilisant des techniques de culture toujours plus respectueuses du vignoble et de son environnement.
On réduit les intrants ainsi que les passages au sein des parcelles, notamment afin d’y laisser se développer un couvert végétal. L’objectif est de remettre la terre au centre des préoccupations. Tout un écosystème va reprendre sa place (fourmis, araignées, vers, etc.), afin d’apporter de la vie sur et dans le sol. Une véritable richesse dont les ceps vont se servir tout au long de leur cycle.
En hiver, les couverts végétaux sont broutés par des brebis provenant de la ferme des itinérants.
Cet engagement envers l’environnement a permis au château d’être, depuis 2023, certifié agriculture biologique.
Un plus grand respect de son vignoble qui a pour but de pouvoir mieux lutter face au dérèglement climatique. Vignerons dévoués ou véritables masochistes, le terroir sauternais réserve, chaque année, son lot de surprises et de déconvenues aux différentes équipes techniques des propriétés.
Le travail au chai
Lorsque la fin de l’été se précise, à l’orée de l’automne, lorsque dame nature se montre généreuse, une brume typique du sauternais s’installe dans le vignoble. Elle va permettre la prolifération du Botrytis Cinerea, ce champignon surnommé pourriture noble, qui va conférer aux baies toute la complexité nécessaire à produire les grands vins de Sauternes. Les équipes techniques vont donc sillonner le vignoble afin de décider le moment le plus opportun pour sonner le début des vendanges.
Lorsque la décision est prise, ce sont, en moyenne, 3 à 6 tries (une trie = un passage dans la parcelle) qui sont effectuées afin de récolter les baies les plus mûres. Les vendanges sont manuelles, éprouvantes et peuvent durer de longues semaines.
Une fois récoltées, les baies arrivent sur les tables de tri. Les plus concentrées seront réservées à la production du grand vin, les autres serviront pour les 2èmes et 3èmes vins. Elles seront ensuite pressées puis introduites en cuves thermo-régulées afin d’y effectuer leur vinification. C’est là que le jus de raisin se transformera en vin.
Pour le grand vin, l’élevage des sémillons s’effectuera en barriques de chêne français pour une durée de 16 à 18 mois. Les autres cépages sont élevés en cuves thermo-régulées. Les fûts sont entièrement renouvelés chaque année. Les anciens serviront soit pour l’élevage des sémillons du blanc sec du château, soit cédés pour être utilisés à la production de spiritueux.
Les autres vins de la propriété sont élevés dans des cuves thermo-régulées, afin de garder la fraîcheur et l’aromatique fruitée des cépages.
Une exigence tant au chai qu’à la culture qui se ressent à la dégustation.
Les vins
Réputé pour son grand vin, le château La Tour Blanche en produit également 3 autres (blancs). Petite présentation des différents vins de la propriété en commençant par les liquoreux pour terminer sur un blanc sec détonnant.
Commençons par le 1er cru classé. Le Château La Tour Blanche, classé en 1855, est un vin à la fois frais, puissant, équilibré, d’une complexité folle. Jeune, il développe de très jolies notes d’abricot, d’agrumes, de fruits exotiques mais également de fleurs blanches. En vieillissant, on peut y apprécier des notes miellées, de fruits confits ainsi que de ravissantes notes épicées, avec principalement le safran. Typiquement le genre de vin de méditation qui s’apprécie, selon moi, après une dizaine d’années minimum. Je l’imagine très bien en accord avec un joli poulet rôti et ses pommes de terre, cependant, avec un certain âge, le vin peut amplement se suffire à lui-même en guise de douceur de fin de repas.
Le 2nd vin, Les Charmilles de La Tour Blanche, est un vin qui permet de découvrir les vins de Sauternes avec brio. Frais, fruité, équilibré avec une belle richesse aromatique, il est à l’image de son aîné, tout en se montrant plus abordable, dès ses jeunes années. Il peut se faire désirer en cave une petite dizaine d’années environ.
Le 3ème vin, Les Brumes de La Tour Blanche, est un vin qui se veut résolument plus léger, à la sucrosité moindre, avec tous les marqueurs aromatiques de l’appellation. A l’image des 1er et 2nd vins, on y retrouve toute l’exigence de la propriété. Plein de vivacité, il se déguste dès l’apéritif avec une facilité déconcertante. Les plus audacieux l’utiliseront dans l’élaboration de cocktails.
Enfin, le château produit un merveilleux vin blanc sec, Léonie. Du nom de la femme d’Osiris, dernier propriétaire avant son lègue à l’État, c’est une cuvée qui signe là les lettres de noblesse des vins blancs secs de l’appellation. Les grappes proviennent à la fois de parcelles réservées aux liquoreux, mais également de leurs propres parcelles. D’une merveilleuse richesse aromatique, l’attaque en bouche est d’une grande vivacité, pleine de fraîcheur et d’équilibre, avec une superbe minéralité en fin de bouche. S’appréciera avec de belles huîtres du bassin d’Arcachon dans sa jeunesse.
Un château-école dynamique et engagé, à l’image de son appellation, qui produit des vins dont la réputation n’est plus à faire mais qu’il faut entretenir et faire perdurer. Sauternes est bel et bien de retour, et le château La Tour Blanche compte bien le prouver !