Lorsque la nature et l’homme ne font qu’un.
Il y a des visites de domaines qui vous marquent plus que d’autres, et clairement celle du Château Mazeyres en fait partie. Il faut dire que visiter un des châteaux pionniers de la Biodynamie sur Pomerol est une belle expérience.
Un peu d’histoire pour commencer
Et quand je vous parle d’histoire nous allons remonter très loin. En effet, lors de fouilles archéologiques des poteries et autres ustensiles d’un autre temps ont été retrouvé dans les entrailles de la propriété. Les premières traces d’une propriété sur le sol de Mazeyres remontent donc au IIIe siècle. Tout laisserait à penser qu’il s’agirait d’une ancienne villa Gallo-romaine. Cependant ce n’est qu’au XIVe siècle que des traces de culture de la vigne ont été retrouvées dans des écrits entreposés aux archives de la ville de Libourne.
La destiné du château bascula une première fois au début du XXème siècle après le rachat du domaine par la famille Querre. Théophile Querre fonda une maison de négoce bordelaise à la fin du XIXème siècle. Sous ses ordres, Mazeyres était un vin vendu aux restaurateurs principalement.
Cependant, en 1988, la famille Querre décide de vendre la propriété, et c’est la Caisse de Retraite de la Société Générale qui va en faire l’acquisition durant 22 ans, jusqu’à la cession du château à la Sogecap (branche assurance vie de cette même société).
Le château sera revendu en 2020 à la famille Guillard, une famille ligérienne du pays nantais qui ont fait fortune dans les assurances. Ils sont aujourd’hui les heureux propriétaires de nombreux biens dans l’univers du luxe, comme l’hôtel Burgundy notamment, mais aussi de châteaux dans le bordelais comme le Château Fonroque, Grand Cru Classé de Saint-Emilion, et plus récemment Mazeyres à Pomerol.
Une arrivée qui fit tout basculer
Alors en poste depuis de nombreuses années au Château Fonroque, Alain Moueix, qui n’est autre qu’un ingénieur viticole et œnologue, se voit confier la direction du Château Mazeyres en 1992. Il est le descendant d’une influente famille libournaise propriétaire de nombreux châteaux mais surtout d’une maison de négoce de renom.
Avant-gardiste, il fait partie des premiers à introduire la culture biologique puis biodynamique sur la rive droite bordelaise, quel bouleversement dans ce monde remplit de certitudes ! Il souhaitait modifier les habitudes de culture de la vigne car à ses yeux les techniques utilisées pour la course à l’hyperproduction couraient à la perte du vignoble à petit feu. C’est pourquoi ce grand adepte de l’idéologie de Rudolf Steiner décida d’introduire ces nouvelles méthodes, afin d’avoir une réponse plus respectueuse de l’environnement, mais surtout du sol et de ses vignes. Esotérisme comme certains le qualifient, ou réelle plus-value pour la vigne à chacun son point de vue.
La vigne
Le château Mazeyres s’étend donc sur 25,5 hectares, ce qui en fait un des plus grands domaines de l’appellation. Avec un total de 750ha, Pomerol est une des plus petites appellations de la région bordelaise. La taille moyenne d’une propriété étant de 6ha environ, ce qui lui vaut la réputation de l’appellation la plus bourguignonne du bordelais.
L’encépagement de la propriété, comme sur l’ensemble du vignoble, est composé à majorité de Merlot soit 73%, 24% de Cabernet-Franc et 3% de Petit Verdot.
La diversité des sols permet à chaque parcelle, chaque cépage, de s’épanouir de la meilleures des manières. Dans un premier temps, des graves fines et sableuses qui donnent au vin de la droiture, de la finesse mais aussi de l’élégance. Ensuite un sol composé de sables argileux, ce qui va conférer au vin de la densité. Enfin, des argiles gravelo-sableuses qui vont donner de la puissance au vin.
Ici la culture de la vigne se fait en biodynamie depuis 2010, mais n’est certifiée qu’en 2018.
Qu’est ce que la biodynamie ?
Ramenée par Alain Moueix, cette culture est basée sur une réflexion profonde autour de l’équilibre entre l’écosystème de la vigne et l’homme. Ce dernier se base sur les travaux de Rudolf Steiner et Maria Thun, et adapte les diverses techniques à sa manière. C’est ce qui va faire basculer les vins de Mazeyres dans une nouvelle ère. Le principe de base étant de produire un vin dans le plus grand respect de l’environnement, en écoutant la nature, sans pour autant perdre en qualité. Comme le dit si bien l’œnologue, il préfère perdre en quantité pour gagner en qualité, et ce n’est pas le consommateur qui s’en plaindra.
Ici, 4 préparations principales sont faites, afin de nourrir la vigne de la meilleure des manières, tout en suivant le cycle lunaire.
Première préparation, la bouse de corne. Il s’agit de bouse de vache introduite dans une corne de vache puis enterrée pendant la période hivernale. Déterrée au printemps, elle est mélangée dans de l’eau de pluie, puis pulvérisée sur le sol de la vigne. L’objectif de cette préparation e st de favoriser le développement du cycle végétatif, notamment la croissance des racines vers le bas et des tiges et feuilles vers le haut.
La seconde préparation utilisée est la silice de corne. Ici, des cristaux de Quartz vont être introduits dans une corne de vache. Cette corne va également être enterrée, mais cette fois-ci durant la période estivale. Les cristaux vont se transformer en poudre, qui sera soit ajoutée dans un compost soit puis pulvérisée sur la vigne. L’objectif de cette préparation est de favoriser l’assimilation de lumière solaire par la plante.
Les deux autres préparations sont des infusions de plantes qui seront également pulvérisées sur la vigne. Pour cela, ils vont utiliser de la prêle des champs, de la camomille, des pissenlits, et diverses autres plantes. C’est avant tout un respect de l’environnement, mais surtout un travail harmonieux entre l’homme et la nature. Nul ne peut dire que ça joue un rôle dans la modification fondamentale du style des vins, l’objectif étant de moins stresser la vigne afin de la laisser produire des raisins les plus qualitatifs possible. C’est d’ailleurs ce qui permet à Mazeyres de sortir des vins d’une très grande cohérence sur des millésimes dits « compliqués », avec des vins plus frais et très fruités.
Vinifications et élevage
Les vinifications sont parcellaires et se font en cuves béton pour les Cabernet Franc et en cuve inox pour les Merlots.
L’élevage quant à lui est composé de fûts de chênes à la fois neufs, et pouvant être utilisés durant 4 millésimes. La part de bois neuf compte, en moyenne, pour environ 27% de l’élevage. En plus de ce type d’élevage très caractéristiques du bordelais, le château fait recours à l’utilisation de foudres, d’amphores et d’œufs béton.
Depuis 2016 et l’intégration de ces nouveaux modes d’élevage, le château montre une fois de plus que le vignoble bordelais a pris conscience de la problématique de l’utilisation outrancière des fûts de chênes. Depuis de nombreuses années un Bordeaux bashing ambiant fait état que les vins de Bordeaux sont trop boisés, et que l’élevage bois trop marqué rend le vin difficilement consommable dans sa jeunesse, même si, les Pomerol ne souffrent que très peu de cette tendance. Peut-être là la marque d’un terroir d’exception.
Ce qui caractérise les vins de Mazeyres, au-delà du côté séduisant et réconfortant, c’est avant tout la fraicheur qui rend abordables les vins dans leur jeunesse. Bien évidemment l’effet millésime rentre en compte, qu’il soit solaire ou non, que les conditions climatiques soient plus ou moins difficiles, l’instantanéité à déguster ces vins est palpable.
La biodynamie ne cessera de diviser les consommateurs quant à son utilité ou non, quant à son côté ésotérique plus que fondamentale, cependant nous ne pouvons pas occulter le fait qu’ici on peut clairement ressentir une réelle harmonie entre l’homme et la vigne. N’est ce pas ça le plus important ?