Une dynastie familiale dont l’histoire est digne d’un roman d’Oscar Wilde.
Histoire
Le simple fait d’évoquer le nom de Barton vous comprenez que se tient face à vous une famille incontournable dans le paysage médocain, à l’histoire intimement liée aux origines du négoce bordelais.
Une aventure qui débuta en 1725, lorsque Thomas Barton, un commerçant en provenance d’Irlande, accosta son bateau dans le port de Bordeaux. Il tombe amoureux de la région et va se consacrer au commerce du vin, c’est alors que la maison de négoce Barton verra le jour. Au fil des années, Thomas Barton se fait de plus en plus considérer par les Bordelais. Cependant, plus les saisons avancent, plus son âge aussi. Sa seule descendance, un fils appelé William, n’a, à ses yeux, pas l’étoffe de prendre sa succession au sein de la société.
Il faut savoir qu’à cette époque, en France, tout bien possédé par un étranger reviendrait à la couronne le jour de son décès. Il s’agissait du droit d’Aubaine, raison pour laquelle Thomas ne fera jamais acquisition d’une seule parcelle de vigne. Il ferma les yeux en 1780 et son fils hérita donc de la société.
William n’étant pas fait pour les affaires, c’est son fils Hugh qui va prendre les rênes de la maison de négoce à seulement 20 ans, et ce, avec brio. Malheureusement en octobre 1793, alors en pleine Révolution, Hugh et sa femme seront arrêtés, emprisonnés et leur patrimoine sera saisi.
Ils vont néanmoins réussir à se faire libérer de prison en décembre de la même année et vont fuir vers l’Irlande. Ils ne reviendront qu’en 1821 lorsque Hugh va faire acquisition du château Langoa. C’est donc ici que tout commença pour le château.
Les affaires étant prospères Hugh racheta alors, en 1826, une parcelle de 50 hectares qui était autrefois propriété du château Léoville Las Cases. Naquis alors le château Léoville Barton, l’histoire est en marche.
Les propriétés seront léguées de génération en génération, ce qui en fera, en compagnie du château Mouton Rothschild, la plus grande continuité familiale entre tous les grands crus classés de 1855. Aujourd’hui c’est Lilian, fille d’Anthony Barton, qui est à la tête de la propriété familiale en étroite collaboration avec ses enfants Damien et Mélanie.
Le vignoble et son terroir
Il n’échappe à personne qu’un vignoble n’est rien sans son terroir. Il est facile de faire du bon vin au chai, encore faut-il y apporter des raisins d’exception. C’est donc là que la notion de terroir prend tout son sens.
Ici, que ce soit le château Léoville ou le château Langoa, le sol est composé de graves sur sous-sol argileux, typique du Médoc.
Même sol, cependant la composition du vignoble diffère quelque peu, ce qui rend chaque château singulier.
Le vignoble du château Langoa Barton fait une superficie de 20 hectares, composé de l’encépagement suivant : 54% de cabernet Sauvignon, 35% de merlot et 11% de cabernet Franc. L’âge moyen des vignes est de 37 ans.
Le château Léoville Barton, quant à lui, s’étend sur 50 hectares avec un encépagement de 77% de cabernet Sauvignon, 20% de merlot et 3% de cabernet Franc.
Les parcelles sont incluses sur les deux plateaux qui composent le vignoble de Saint-Julien. Celles du château Langoa sont majoritairement sur les sols plus frais de Beychevelle, là où celles du château Léoville sont sur le plateau nord, sur la commune de Saint-Julien. Cette infime divergence géographique va se retrouver en bouteille, avec deux profils de vins sensiblement différents.
Ce terroir d’exception sera d’ailleurs récompensé en 1855, lors de la publication du classement des grands crus classés du médoc, puisque le château Léoville se retrouve 2nd grand cru classé et le château Langoa 3ème grand cru classé.
Un cuvier renouvelé
Nombreuses sont les propriétés qui au fil des millésimes se munissent d’un chai dernière génération cependant, s’il s’est refait une beauté en 2021, les techniques utilisées ne sont pour autant pas novatrices puisqu’elles étaient déjà employées par le passé.
Là où certains utilisent des cuves thermo-régulées en inox, la famille Barton préfère le bois. Un choix guidé par son inertie, les changements de températures y sont plus lents et donc plus doux pour le vin. Malheureusement à cause des travaux les anciennes cuves n’ont pas tenu. Il faut savoir que chaque cuve est identifiée, ce qui permet de savoir laquelle est prévue pour la production du Langoa de laquelle est prévue pour le Léoville. Les cuves en bois nécessitent un gros entretien, mais qu’importe tant que les jus qui en sortent soient à la hauteur de leurs exigences.
Les deux châteaux sont vinifiés au sein du même chai à la différence du classement des vins de Saint-Émilion, le classement des vins du Médoc établi en 1855 permet de produire deux vins différents au même endroit.
La température du cuvier est constante, et ce, sans avoir besoin de climatiser l’endroit. Pour comprendre par quel procédé, il faut lever les yeux et contempler l’étonnant décor postérieur à ces grandes baies vitrées. Il s’agit d’un mur moucharabieh, un ingénieux rappel aux murs extérieurs du château fait par l’architecte. Au-delà de l’aspect esthétique, ce type de mur permet en hiver de laisser entrer le soleil alors qu’en été il permet, au contraire, de faire plus d’ombre. Le soleil étant à son zénith, les rayons heurtent les tuiles et sont reflétés vers l’extérieur. La pièce reste donc fraiche constamment.
Pour un travail plus confortable et plus sécuritaire pour les équipes lorsque l’on rentre dans le chai, on peut se rendre compte que les cuves sont en dessous de nous, ce qui permet donc d’effectuer les tâches à l’aplomb de ces dernières et ainsi éviter tout risque de blessure. Enfin, et toujours dans ce même souci de sécurité, des extracteurs de gaz sont installés aux quatre coins du chai. Les conditions sont donc optimales pour la création de vins d’exception.
Un travail des plus méticuleux
L’outil étant à la pointe place à son utilisation, et là encore, les exigences de la famille Barton et leurs équipes agissent tels de vrais magiciens.
Comme à chaque millésime, au terme de l’été et à l’orée de l’automne, retentit le coup d’envoi des vendanges. À Langoa elles s’étendent sur une période de deux semaines, sont manuelles, et nécessitent la présence d’une centaine de vendangeurs qui se relaieront tout au long des 70 hectares de la propriété. Cependant, depuis plusieurs années, il y a une vraie problématique quant à la conception de leurs équipes de vendangeurs, le nombre décroissant de candidats complique la tâche.
Une fois la vigne dénudée de ses grappes, les raisins arrivent sur les trieurs optiques. Ils y seront éraflés puis triés dans le but de déterminer lesquels seront retenus pour aller dans les cuvons qui seront ensuite transportés et transvasés dans les cuves bois du cuvier gravitaire.
Lors des vinifications les jus seront remontés 2 à 3 fois par jour, permettant une parfaite extraction des tanins. Une fois la fermentation terminée, le vin va être écoulé en barriques afin d’y effectuer son élevage sur une durée de 18 mois.
60% des barriques utilisées sont en bois neuf et 40% d’un vin (c’est-à-dire qu’elles ont servi pour un millésime auparavant). La famille Barton a pour habitude de travailler avec 5 à 6 tonneliers, le but étant d’obtenir des vins avec différents profils ce qui permet, lors de l’assemblage final, d’obtenir des vins subtils, fins et d’une remarquable complexité.
L’assemblage final est déterminé d’un commun accord entre la famille Barton, leur directeur technique et l’œnologue conseil Éric Boissenot. C’est alors que va opérer la magie de l’assemblage, ou comment, en travaillant plusieurs cépages plantés sur différentes parcelles et élevés dans différentes barriques, puisse aboutir à un vin singulier qui sera la plus belle image du millésime.
En moyenne, ce sont 200 000 bouteilles de Léoville et 80 000 de Langoa qui sont produites chaque année.
Ce moment hors du temps, passé en compagnie de Lilian Barton-Sartorius, m’a permis de m’imprégner de l’état d’esprit de la famille Barton où l’exigence est au service de l’excellence.