Plus que toute autre année, en 2022 le château La Gaffelière aura su faire du bruit dans ce vignoble à l’accoutumée si paisible.
Histoire
Si bon nombre de châteaux sont aujourd’hui propriété de grands groupes, le château La Gaffelière fait parti des « irréductibles gaulois » et peut se vanter d’être propriété de la famille De Malet Roquefort depuis plus de trois siècles. Il faut remonter jusqu’en 1705 pour voir la famille prendre les rênes du domaine, soit un bon de 318 ans en arrière.
Au XIVème siècle la maison de la famille était un hospice pour lépreux installé à la sortie de la ville de Saint-Émilion. Vous vous doutez bien qu’il ne fallait pas que ces infirmes errent dans les rues de la ville à la vue de tous, et surtout des nobles.
Il faut savoir qu’en vieux français lépreux se disait gaffé, on peut donc faire le lien avec le fait que pour marcher ils avaient besoin d’une gaffe ou d’un bâton. Gaffélière signifiait donc la « zone des lépreux ».
De nos jours, plus d’infirme à l’horizon mais plutôt un château reconnu comme étant une des icônes du vignoble, et pour cause.
C’est en 1955, année de publication du premier classement, que la propriété obtint le saint Graal en étant promu au rang de premier cru classé B, ce qui en fait l’un des 11 meilleurs de l’appellation à cette époque.
Cependant, en 2022, la famille prit la décision de quitter ce même classement.
Mais pourquoi un tel retournement de situation à quelques semaines de la publication du nouveau classement ?
En réalité, depuis plusieurs années la famille ne se retrouvait plus dans ces nouveaux critères de classement, mis en place il y a déjà plus de 10 ans, délaissant l’aspect terroir originel au profit de critères, disons, plus marketing et commerciaux.
C’est pourquoi, à l’unanimité, la famille De Malet Roquefort représentée par Alexandre, décida de sortir du classement, imitant les châteaux Cheval-Blanc, Ausone et Angélus qui avaient également fait ce choix.
Aujourd’hui la propriété est donc intégrée à l’appellation Saint-Émilion Grand cru.
Un terroir d’excellence
Le château est implanté sur la partie historique de Saint-Émilion, avec pour voisin les non moins célèbres Ausone, Belair-Monange et Pavie.
Par conséquent, il est facile de comprendre que ce terroir est propice à la production d’un vin d’exception.
Le vignoble est morcelé en parcelles qui sont situées sur trois zones bien distinctes :
- Une partie coteaux partagée avec Ausone et Belair-Monange sur sol argileux à argile bleue.
- Une partie coteaux située vers la côte de Pavie sur sol calcaire à Astérie.
- Une partie pied de côte qui passe devant les châteaux Pavie et Larcis Ducasse sur sol argilo-sableux.
Une diversité de sol qui illustre parfaitement le profil des vins du château.
Afin de travailler avec encore plus de précision, une étude du sol a été faite et a permis de cartographier la totalité du vignoble, dans le but d’exploiter chaque parcelle de la meilleure des façons.
Le vignoble s’étend sur une superficie de 38 hectares dont 22 étaient classés auparavant. Y sont cultivés une majorité de Merlot (60%) et une part croissante de Cabernet Franc (40%).
Depuis 2001, le château a entrepris un gros plan de replantation de Cabernet Franc, et ce pour deux raisons : la première étant que les cabernets sont les cépages les plus à même de s’adapter à l’évolution des conditions climatiques, avec des millésimes qui se veulent être de plus en plus solaires, la seconde étant de revenir à l’essence même des vins de La Gaffelière ce qui permet de se rapprocher de plus en plus de l’encépagement historique du château.
Aujourd’hui, la propriété produit deux vins. Le premier vin, autrefois classé, sous le nom de Château La Gaffelière, et un second, sous le nom de Clos La Gaffelière.
Il faut savoir qu’à Saint-Émilion ce ne sont pas les châteaux qui sont classés (comme dans le Médoc), mais les parcelles de vigne. C’est pour cela que, n’étant pas classé, le Clos La Gaffelière, a donc ses propres vignes et bénéficie de son propre travail parcellaire, ce qui en fait un vin a part entière, et non un second vin à proprement parler.
Les vignes sont implantées sur le pied de côte et les raisins sont vinifiés dans un chai séparé. D’ailleurs c’est un vin qui est reconnu comme étant un des très beaux rapports qualité-prix de l’appellation.
Un travail de la vigne pensé pour l’avenir
De nos jours, de plus en plus de propriétés travaillent la vigne en utilisant l’agriculture biologique et/ou biodynamique.
Bien que La Gaffelière n’utilise aucun de ces deux types de culture, le château est certifié HVE3 (Haute Valeur Environnementale niveau 3), et prône à une agriculture raisonnée. Le Bio n’étant, pour eux, pas l’unique solution d’avenir.
L’agroforesterie est donc utilisée, avec notamment la replantation d’arbres dans le vignoble afin de ramener de la vie dans les parcelles de vignes, et surtout donner un habitat aux oiseaux et chauves-souris qui sont d’une aide précieuse dans l’élimination des nuisibles.
De plus, l’enherbement entre les rangs de vigne est conservé, dans le but de limiter au maximum l’apparition du mildiou, mais aussi de conserver une certaine fraicheur au pied des vignes lors des fortes chaleurs, comme on a pu le constater lors de l’été 2022, enfin cela va permettre de favoriser la biodiversité des sols.
Vous l’aurez compris, ici l’objectif est donc de revenir à des techniques de culture d’antan sans avoir de restrictions dans les méthodes utilisées de sorte à avoir une plus grande flexibilité.
Sur le vignoble, il y a une parcelle historique surnommée « la boulangerie », on peut y retrouver environ une quinzaine de pieds datant de 1933. La symbolique veut que le comte Léo de Malet Roquefort (propriétaire actuel) soit également né cette année-là.
Un chai à la hauteur des exigences
À l’orée de l’automne arrive le temps des vendanges bien qu’au fil des millésimes elles soient de plus en plus tôt, notamment en 2022 où les premières grappes sont vendangées au début du mois de septembre. Au château La Gaffelière elles s’effectuent manuellement. Une fois les grappes de raisin récoltées, elles suivent leur chemin directement jusqu’au chai. De là s’ensuivront plusieurs étapes allant de l’éraflage au triage jusqu’à l’encuvage.
Les meilleurs raisins seront conservés et encuvés de manière gravitaire dans de superbes cuves tronconiques en inox thermo régulées à double paroi.
L’intérêt de telles cuves est de permettre d’avoir un travail des raisins plus précis, une meilleure extraction des tanins mais aussi de pouvoir effectuer une meilleure action parcellaire afin d’extraire au maximum le caractère de chaque parcelle.
De nos jours ce cuvier, inauguré en 2013, est un atout majeur indispensable à la réalisation d’un vin d’exception.
Une fois la vinification terminée place à l’élevage. Pour cela rendez-vous dans ce superbe chai à barrique enterré où la température et l’hygrométrie sont parfaitement maitrisées et d’une grande stabilité. Une fois de plus, toutes les conditions sont réunies.
Chez La Gaffelière, la part belle est faite à la barrique de chêne avec 60% de bois neuf et 40% ayant déjà connu un vin. La chauffe est moyenne de manière à ne pas trop impacter le vin par les arômes liés au bois tout en lui donnant une texture soyeuse, si caractéristique des vins du château.
L’élevage dure environ 14 à 16 mois en fonction des millésimes. L’assemblage final est décidé d’un commun accord entre la direction, les équipes du chai et l’incontournable œnologue conseil Stéphane Derenoncourt, une sommité sur la rive droite.
Le vin est mis en bouteille au château à la fin du printemps avant d’être conservé tout l’été durant, avant une livraison aux clients dans le courant du mois de septembre.
Au fil des millésimes le Château La Gaffelière s’impose comme étant une propriété incontournable de Saint-Émilion où l’esprit de famille règne en parfaite harmonie avec ce merveilleux terroir.
Une sortie du classement qui aura fait du bruit mais qui n’entachera en rien les vins, en prouve ce rayonnant 2022 que j’ai eu l’occasion de déguster lors de la semaine des primeurs.